la SOMELEC et le GRET, une ONG française, se sont engagés dans un projet novateur de prépaiement électrique. Ce projet, appelé NOUR, financé par l’Etat mauritanien (Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire), EDF (Electricité de France) et l’ADEME est destiné à introduire le prépaiement dans l’offre de services d’électrification dans les quartiers périphériques de Nouakchott. D’ici juin 2009, ce projet pilote installera 1 600 compteurs à prépaiement dans la commune d’El Mina.
La plupart des familles qui habitent les quartiers périphériques de Nouakchott n’ont pas de raccordement électrique. Certaines bénéficient de services électriques en se raccordant au compteur d’un client de la Somelec, qui lui revend illégalement de l’énergie au forfait. Ces raccordements ne respectent pas les normes minimales de sécurité, et l’ont peut voir des fils dénudés à même le sol, là où souvent des enfants courent pieds nus.
Ainsi les habitants ont accès à l’électricité mais avec une qualité déplorable. Les familles subissent des coupures intempestives, des appareils endommagés et même des électrocutions et n’osent pas se plaindre de peur de déplaire à leur ‘revendeur’ et de se faire ‘couper’.
Le principe du prépaiement est simple : le client achète l’électricité avant de la consommer, comme dans le cas des téléphones portables. Le prépaiement électrique est connu depuis longtemps, notamment en Angleterre où il dessert 50% de la population.
En Afrique du Sud, la plupart des villes a été équipée de prépaiement électrique dans le cadre du programme national d’équipement appelé ‘Power for All’ (Electricité pour Tous). Des pays africains, tels que le Maroc, le Sénégal, le Gabon, la Côte d’Ivoire ont déjà démarré des projets de prépaiement. Au Rwanda et au Soudan, en quelques années, le prépaiement a remplacé le paiement traditionnel et a permis d’assainir la situation financière des compagnies nationales.
A El Mina, le projet NOUR est installé dans le bureau de la SOMELEC. Des animateurs identifient les clients potentiels et une équipe technique installe un clavier dans la maison du futur client. Ce clavier est relié à un compteur électronique placé sur le poteau électrique le plus proche.
Le client achète, dans un poste de vente NOUR (situé dans son quartier), un ticket de recharge qui lui fournit un code qu’il entre avec son clavier. Cette manipulation recharge son compte du volume d’énergie acheté. Immédiatement après la saisie du code, le compteur libère l’électricité. Grâce à ce mode de fonctionnement, le client paye l’électricité en fonction de sa capacité financière et maitrise sa consommation en regardant sur le clavier le solde de kWh disponibles.
Le projet a débuté dans les quartiers de Nézaha, Netec et de Dar El Beida – Mekka ; déjà, 600 foyers sont déjà connectés. Cette innovation technologique s’accompagne d’une action de la SOMELEC pour installer de nouveaux poteaux et réduire les câblages pirates. Ainsi, la distribution électrique s’est nettement améliorée, et la satisfaction de la population est palpable ; les maisons équipées ont maintenant une alimentation électrique aérienne fiable et une électricité de qualité.
Zeinabou, mère de famille de Nézaha, explique qu’avant elle payait 2000 UM chaque mois à un revendeur privé pour trois lampes et une télévision. Le courant coupait presque tous les soirs et les lampes ne marchaient pas bien. Depuis qu’elle a pris NOUR, elle surveille son compteur tous les jours. Elle a payé 10 000 UM pour la connexion et chaque recharge de 2 000 UM lui permet maintenant de couvrir plus d’un mois et demi de consommation. Ses lampes éclairent beaucoup mieux. Elle souhaiterait désormais acheter un frigo pour faire un peu de commerce.
Pour la SOMELEC aussi, l’avantage est évident. Avec le prépaiement, l’argent rentre tout de suite, avant même l’utilisation du courant, alors qu’avec le paiement classique par factures, la compagnie doit attendre plus de deux mois avant d’être payée. La gestion est simplifiée ; il n’y a pas de factures ‘détournées’ ou ‘arrangées’ et moins de conflits car on n’a plus besoin d’effectuer des coupures pour impayés. D’autre part, comme les compteurs sont installés dans des boîtes en haut des poteaux, les possibilités de fraude par contournement du compteur sont très limitées.
Le prépaiement est-il une solution applicable en Mauritanie ? Même si l’investissement est plus coûteux (un compteur prépaiement coûte plus cher qu’un compteur classique), la généralisation du prépaiement aurait un impact social et économique immédiat : dans les quartiers périphériques, le prépaiement permettrait d’assurer la sécurité de la distribution. Dans les quartiers plus riches, son installation entraînerait une augmentation de la trésorerie de 20% à 70% selon les secteurs. Dans les villes de l’intérieur, le prépaiement permettrait d’augmenter la distribution et de lutter contre la pauvreté.
L’inauguration du projet va avoir lieu le 28 novembre 2008. Ce projet apporte à la Mauritanie une première expérience dans ce domaine. La décision d’étendre le prépaiement à toute la capitale et au reste du pays est maintenant stratégique.
Source : un article publié le 20 novembre 2008 sur le site de CRIDEM=15&tx_ttnews[tt_news]=24929&tx_ttnews[backPid]=81&cHash=458fcc581d].
Jean-Pierre Mahé, René Massé