Ce document de capitalisation en anglais disponible ci dessous, tire les leçons d’un projet mené par l’ESMAP pour développer la filière pico-hydroélectricité en Equateur pour l’approvisionnement des ménages les plus pauvres. A terme, ce projet vise à répliquer l’expérience dans toute la région Andine et dans d’autres pays en voie de développement.
Approvisionner les régions rurales éloignées en énergie est une tâche difficile et coûteuse. Pourtant, pour tous les pays en voie de développement, c’est un élément essentiel à l’accomplissement des « objectifs du millénaire ». Partout à travers le monde, les communautés rurales doivent pouvoir tirer partie de leurs ressources naturelles pour bénéficier de services énergétiques modernes.
La pico hydroélectricité (très petites installations hydroélectriques appropriées à l’alimentation de quelques ménages) est une option comparativement bon marché qui peut aujourd’hui concurrencer les autres techniques d’approvisionnement d’énergie décentralisée pour alimenter en électricité des millions de personnes à travers le monde. Cependant pour favoriser son développement, elle doit être accompagnée de programmes appropriés.
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Présentation du projet
Le projet s’est déroulé en 5 étapes :
- l’évaluation des expériences de développement de cette technologie dans le monde pour connaître les conditions qui garantissent un bon développement de la filière ;
- l’évaluation des potentialités de développement de la pico hydroélectricité dans dans cinq pays andins [1], tant au niveau technique, social que commercial ;
- le développement de 31 projets pico hydro pilotes ;
- le développement d’une structure locale d’accompagnement ;
- l’évaluation de l’impact des projets sur le développement des communautés rurales bénéficiaires.
L’expérience de la pico hydroélectricité à travers le monde
Les systèmes
Les systèmes pico-hydroélectriques ont généralement une puissance comprise entre 200 et 1000 W, mais le terme « pico hydro » inclut souvent les systèmes dont la puissance peut atteindre 5 kW.
La gamme des turbines disponibles est relativement vaste : Turgo, Pelton, turbines à flux traversant… Elles peuvent ainsi s’adapter à toutes les hauteurs de chute.
Les unités sont petites et bon marché et ce qui facilite les possibilités d’achat, d’installation et de gestion par un ménage rural.
Cette technologie est généralement employée pour subvenir aux besoins domestiques : éclairage, télévision, radio et parfois pour recharger des batteries.
Voir la photo ci-dessous : une installation pico hydro en Equateur pour l’alimentation d’un ménage rural.
Chine et Vietnam : un développement important mais anarchique
Au Vietnam, en Chine et au Népal cette technologie, qui est désormais fabriquée localement, est devenue accessible aux ménages ruraux : de 25 $ pour une turbine de 200 W à 1 000 $ pour une turbine Pelton de 3 000 W.
Ainsi, depuis la fin des années 80, près de 120 000 pico centrales ont été installées au Vietnam, particulièrement au Nord Ouest, près de la frontière chinoise.
Cependant, le développement de la filière s’est fait de manière anarchique : aucun accompagnement financier (payement au comptant) et technique (l’information circule oralement) ne se sont mis en place et la qualité des systèmes les moins chers laissent souvent à désirer : faible efficacité, fonctionnement incertain, durée de vie ne dépassant pas les 2 ans.
Même si ces éléments ne garantissent pas un développement durable de la filière notamment pour les plus pauvres qui achètent le matériel de plus faible qualité, le marché reste en croissant avec plus de 20 000 unités installées par an.
Les Philippines : les leçons de l’expérience vietnamienne
Quelques autres pays ont également développé le marché de la pico hydro : l’Inde, quelques pays d’Amérique du sud et les Philippines.
Le marché philippin est très important : 2.7 millions de ménages n’ont pas accès à l’électricité, et parmi eux, au moins 120 000 ménages pourraient être alimentés par des pico centrales.
Ainsi, en bénéficiant de l’expérience vietnamienne, les Philippines ont connu un développement de la filière pico hydro depuis la fin des années 90.
La distance des Philippines à la Chine n’a pas permis au matériel chinois, souvent de piètre qualité, de pénétrer le marché philippin comme il l’a fait au Vietnam. Il a pu ainsi être mieux contrôlé. Des unités de bonne qualité ont été importées du Vietnam. Elles ont été accompagnées par un support technique national et international compétent.
Aujourd’hui, ces unités permettent parfois d’alimenter des micro réseaux dans des villages isolés.
Analyse économique de la pico hydroélectricité
Une étude économique comparative, comprenant les frais d’investissement et de maintenance, de plusieurs options énergétiques a montré que la pico hydro est l’une des technologies les plus abordables pour l’électrification des communautés rurales : enre 74 et 150 $ par an pour la pico hydro, pas moins de 140 $ par an pour les autres systèmes (photovoltaïque, éolien, thermique…).
L’étude a montré que même les plus pauvres (moins de 2 $ par jour) peuvent s’offrir cette technologie.
Par ailleurs, une pico centrale fournit un courant alternatif de 220 V 24 heures sur 24 ce qui peut plus facilement permettre le développement d’activités économiques.
Opportunités de développement de la pico hydroélectricité dans les Andes
Des études ont montré que l’Equateur possède un bon potentiel de développement de la filière pico hydro : le nombre de ménages pouvant être alimenté par une installation est estimé à minimum de 16 000, il pourrait atteindre le chiffre de 32 000.
Les autres pays de la région étudiés également un potentiel important comme le montre le tableau ci-dessous :
Pays |
Ménages non électrifiés |
Ménages qui pourraient être alimentés par une installation pico-hydroélectrique |
Taille du marché potentiel selon la capacité et la volonté à payer |
Bolivie |
515 815 |
355 000 |
55 000–109 000 |
Pérou |
1 462 783 |
671 000 |
98 000–197 000 |
Equateur |
249 199 |
137 000 |
16 000–32 000 |
Colombie |
127 343 |
39 000 |
7 000–14 000 |
Venezuela |
72 170 |
28 000 |
4 500–9 000 |
Total |
2 427 310 |
1 230 000 |
180 500–361 000 |
le développement de 31 projets pico hydro pilotes
En Equateur, l’Esmap, en association avec le gouvernement et des revendeurs locaux, a accompagné l’installation de 31 pico centrales pilotes vietnamiennes de bonne qualité.
Les centrales ont été installées dans 5 villages de 2 provinces du pays présentant des topographies diverses : 10 projets dans la région montagneuse du Chimborazo et 21 dans la région forestière de Napo.
Ces projets ont permis d’électrifier 193 personnes principalement pour les besoins d’éclairage.
Le développement d’une structure locale d’accompagnement
L’Esmap a également mis en place une structure locale d’accompagnement de la filière, dont le but est la formation des techniciens et des usagers et la promotion de la technologie pour favoriser le développement du secteur privé.
Elle a permis d’évaluer le coût des projets : le coût moyen d’une unité pilote en Equateur s’est élevé à 475 $ (génie civil, câbles et équipements électriques compris). Dans quelques années, la concurrence pourrait faire diminuer ce prix à 200 $, l’importation du Vietnam restant toujours moins chère qu’une fabrication sur place. Le coût de la maintenance a été évalué à 5 $ par an par unité et leur durée de vie à 5 années.
Ces coûts ont clairement montré les possibilités de développement de la filière dans le pays et dans toute la région et ont développé l’intérêt du secteur privé pour le domaine. Par ailleurs, a travers les formations essentielles pour la durabilité des installations, les usagers et le secteur privé ont aujourd’hui pleinement confiance dans la technologie.
Ainsi, aujourd’hui, de nouveaux projets voient naturellement le jour autour des villages pilotes.
L’évaluation de l’impact des projets
Les impacts de ces pilotes ont été soigneusement évalués. Ils ont permis l’amélioration de la qualité de vie (éclairage), une meilleur éducation, le développement d’activités économiques, des économies de pétrole, le développement d’activités le soir.
Conclusions et Recommandations
Le potentiel de développement de cette technologie reste très important dans tous les pays en voie de développement, dans les Andes bien sûr mais aussi en Afrique où pratiquement aucun projet n’a encore vu le jour.
Afin d’améliorer la filière et diminuer le coût des installations le projet recommande :
- de recourir à un matériel de bonne qualité et à un support technique efficace ;
- de stimuler l’intérêt local pour la pico hydro au niveau du gouvernement, des ONG locales, des universités, des usagers… ;
- de souligner et d’accompagner les activités commerciales que peut permettre la pico hydroélectricité car elle ne se développent pas forcément d’elle même ;
- enfin, même si la pico hydroélectricité est une technologie relativement abordable pour les ménages ruraux, un support financier peut être envisagé pour garantir son essor vers les ménages les plus pauvres pour qu’ils aient accès à des systèmes de bonne qualité plus durables et plus fiables.
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Jérome Levet, René Massé