La FAO, l’agence de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture, nuance les bienfaits supposés des biocarburants sur l’environnement et s’en prend aux politiques de soutien à cette nouvelle forme d’énergie, dans un rapport publié le 7 octobre 2008 à Rome.
La production de biocarburants, qui a triplé entre 2000 et 2007 et représente 2% de la consommation mondiale de combustibles pour le transport, a été « l’un des facteurs de la hausse des prix agricoles et de la crise alimentaire mondiale », a souligné le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, lors d’une conférence de presse, ajoutant : « Outre les conséquences négatives des biocarburants sur la sécurité alimentaire de la planète, nous avons des doutes concernant leur impact sur la réduction des gaz à effet de serre, ainsi que des inquiétudes sur leurs conséquences sur l’environnement ».
Dans ce rapport, la FAO souligne que « l’utilisation et la production croissante de biocarburants ne contribueront pas forcément à réduire les émissions de gaz à effet de serre autant qu’espéré ». « Si certains agrocarburants, comme ceux tirés du sucre, peuvent engendrer des émissions de gaz à effet de serre bien inférieures, ce n’est pas le cas de nombreux autres », poursuit la FAO, citant notamment les cas du mais et du colza, respectivement exploités aux Etats-Unis et en Europe.
La FAO tire aussi la sonnette d’alarme à propos de la réaffectation des terres agricoles aux biocarburants : « Les modifications de l’affectation des terres et la déforestation, représentent une grave menace pour la qualité des sols, la biodiversité, et les émissions de gaz à effet de serre », a souligné Jacques Diouf.
Le rapport note que « l’impact des biocarburants sur les émissions de gaz à effet de serre, les sols, l’eau et la biodiversité » change « sensiblement selon les pays, les biocarburants eux-mêmes, les matières premières et les méthodes de production ».
La FAO plaide donc pour « des approches harmonisées de l’analyse du cycle de vie, des bilans des gaz à effet de serre et des critères de durabilité ».
Concernant les mesures de soutien à la production de biocarburants (subventions, barrières douanières, avantages fiscaux,…) le rapport avertit qu’il « devient nécessaire de repenser » ces réglementations. « Les politiques en vigueur tendent à favoriser les producteurs de certains pays développés par rapport à ceux de la plupart des pays en développement », dénonce l’organisation.
La FAO juge que « ces politiques ont été coûteuses et ont eu tendance à introduire de nouvelles distorsions » sur les marchés. Or, dans de nombreux pays, « la production de biocarburants n’est pas économiquement viable sans subventions », affirme la FAO, soulignant que « la principale exception concerne la production d’éthanol au Brésil », second producteur de biocarburant après les États-Unis et premier exportateur mondial.
La FAO reconnaît cependant que les biocarburants présentent des « opportunités » pour les pays producteurs pauvres. Mais l’organisation souligne qu’elles seraient favorisées « par la suppression des subventions agricoles et des barrières commerciales ».
En conclusion, l’organisation se prononce pour que les investissements privilégient la recherche sur les biocarburants de deuxième génération, « mieux à même de réduire les émissions de gaz à effet de serre » car ils ne sont pas produits à partir de matières premières alimentaires, mais de paille ou de bois.
Source : un article publié le 9 octobre 2008 sur le site du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM).
René Massé