« L’électricité au cœur des défis africains », ouvrage écrit par Mme Christine Heuraux, Directrice du Pôle Accès à l’énergie à EDF, et paru aux éditions Karthala, a fait l’objet d’une conférence/ débat le 19 octobre dernier au siège de l’Agence Française de Développement à Paris.
De nombreux participants (ONG, Consultants, secteur privé) sont venus écouter les différents intervenants présents (Christine Heuraux, Directrice du Pôle Accès à l’énergie ; Michel Hamelin, Direction Action Internationale ADEME, Marc Raffinot, économiste et maître de conférence à Paris Dauphine et Christian de Gromard – Spécialiste Energie – AFD) et ont activement participé au débat que suscite l’électrification – tout particulièrement rurale- en Afrique.
En Afrique, l’accès à l’électricité est un problème majeur qui freine considérablement son développement. Elle est le continent le moins électrifié du monde : l’Afrique représente 15% de la population mondiale, pour seulement 3% de la consommation électrique. Un chiffre très frappant, mais à nuancer selon les régions : l’Afrique du Nord est électrifiée à plus de 90%, et l’Afrique du Sud, à elle seule, représente près de la moitié de l’électricité produite sur le continent. C’est bien sûr l’Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, qui est la plus en retard : 48 pays, 10% de la population mondiale, et des installations électriques équivalentes à celle de la Pologne. Plus inquiétant, en 2030 la moitié de la population mondiale sans électricité vivra en Afrique subsaharienne.
Partant de ces constats sans appel, l’ouvrage « L’électricité au cœur des défis Africains » écrit par Christine Heuraux, qui se veut à la fois concret et pratique, se propose de synthétiser les informations essentielles relatives au secteur de l’électricité en Afrique, en se concentrant sur l’Afrique subsaharienne, l’électricité et l’électrification des milieux ruraux.
Christine Heuraux, lors de son intervention durant la conférence, a mis en évidence un certain nombre de messages clés que l’ouvrage veut faire passer pour que l’Afrique relève avec succès le défi de son électrification, notamment en milieu rural où vivent 500 millions de personnes encore dépourvues d’accès à toute forme moderne d’énergie.
Tout d’abord l’importance de la gouvernance, c’est-à-dire la volonté politique des Etats sans lequel aucun progrès durable ni significatif n’est envisageable – cette volonté doit se traduire par des planifications énergétiques et électriques de long terme, mais aussi par la mise en place de cadres institutionnels, réglementaires, et par des règles de gouvernance susceptibles de rassurer les investisseurs.
Puis l’importance des échelles régionales pour optimiser les ressources (énergétiques, environnementales, humaines, capitalistiques) et favoriser une meilleure adéquation entre les ressources et la taille des marchés, souvent trop petits à l’échelle nationale pour attirer les investisseurs. On estime à 2 milliards de $ par an le gain qui émanerait pour le secteur électrique d’une coordination à l’échelle régionale.
Ensuite, il serait illusoire de ne vouloir régler le retard de l’électrification que sous l’angle technique et financier : la formation professionnelle sera une composante majeure dans la réussite de tous les efforts d’électrification, tous secteurs confondus, car elle seule est à même de pérenniser les efforts entrepris.
Enfin, les choix technologiques qui seront déterminants, et c’est précisément la raison pour laquelle il faut éviter de les aborder avec dogmatisme ; mieux vaut les traiter avec pragmatisme et réalisme, en tenant compte des réalités de terrain, des ressources locales mais aussi de l’usage auquel on les destine. A rappeler que l’Afrique bénéficie de richesse extraordinaire en ressources les plus variées : 10% des réserves mondiales hydrauliques économiquement exploitables ; 9% des réserves de pétrole ; 8% de celles de gaz et 6% de celles de charbon ; sans compter les potentiels éoliens et en biomasse. Il ne faut également pas oublier de réhabiliter l’existant et de favoriser les programmes d’efficacité énergétique.
Christine Heuraux souligne que même si le manque de financement est souvent mis en avant comme principale raison de la carence en d’électrification en Afrique – 40 milliards de $ par an seraient nécessaires jusqu’en 2020 là où aujourd’hui les investissements ne sont que de 11 milliards – sans une prise en compte des points mentionnés ci-dessus les projets ne pourront pas être mis en place ni optimisés.
Cependant un autre défi reste sans doute le plus préoccupant : celui du temps. Il y a urgence à ce que tous les acteurs se mobilisent, – politiques, financiers, industriels, ONG, etc. – chacun selon son rôle et ses compétences, mais aussi en prenant soin de se coordonner.
« Alors que le continent africain connaît une croissance moyenne de 5% par an depuis le début des années 2000, soit deux fois plus que l’Europe, cette croissance reste insuffisante pour atteindre les Objectifs du Millénaire. Elle devrait en effet être de 7 à 8%, un chiffre qui serait atteint en remédiant aux déficits du secteur électrique qui font perdre chaque année 1,5 points de croissance. On comprend bien tout l’intérêt de se mobiliser pour coordonner les efforts en vue de son développement rapide. », précise Christine Heuraux.
C’est bien en ce sens qu’agit GVEP International, qui, à la demande de la Banque Mondiale, conduit actuellement une consultation sur un programme pour soutenir le secteur de l’électrification rurale au Mali et au Sénégal. Le programme sera mis en œuvre par les agences gouvernementales du pays avec l’assistance de GVEP International. Ce programme est financé par le gouvernement russe. Au Mali le principal objectif est de soutenir les opérateurs en mobilisant et renforçant le secteur financier, au Sénégal, c’est la productivité de la consommation énergétique qui est recherchée.
En complément – Lire l’article sur RFI suite à la conférence : L’Afrique sous équipée en électricité, par David Baché, RFI –