L’usage de batteries High Tech, commencé avec les équipements portables, est en train d’exploser avec le développement des marchés de la voiture électrique… Les avancées technologiques dans le domaine du stockage d’électricité pourrait bien profiter aux programmes d’électrification décentralisée dans les pays en développement.
« Le prochain grand marché est celui du stockage des énergies renouvelables. Les accumulateurs devront avoir une durée de vie de vingt ans », relate John Searle, PDG de Saft.
Le 24 septembre 2009, Vincent Bolloré inaugurait en grande pompe une usine hautement stratégique. Implanté dans son fief d’Ergué-Gabéric (Finistère), le site de Batscap, qui représente 60 millions d’euros d’investissement, produira des batteries lithium-métal polymère : ce sont elles qui équiperont, en principe, la voiture électrique promise par l’industriel breton. Bolloré n’est pas le seul groupe français à postuler au club très fermé des grands fabricants de batteries. Saft, associé à l’américain Johnson Controls, a ouvert une usine de batteries lithium à Nersac (Gironde), qui fournit notamment Mercedes. Quant à Carlos Ghosn, le patron de Renault, il promet une usine de batteries lithium d’au moins 50 000 pièces par an à Flins (Yvelines).
L’explosion de la mobilité
Le marché de l’automobile du futur, que de nombreux professionnels imaginent hybride ou tout électrique, suscite les convoitises. Mais, bien au-delà de la voiture, le marché du stockage de l’électricité profite déjà de l’explosion de la mobilité : téléphones, baladeurs, PC… La bataille est lancée depuis longtemps. Ceux qui sauront produire des batteries high-tech au lithium alliant coût acceptable, capacité élevée et temps de charge réduit décrocheront la timbale…
Dans cette guerre souterraine, émaillée d’alliances et de percées technologiques, le combat paraît inégal. Les fabricants asiatiques, tels les japonais Sanyo et Sony ou le chinois BYD, fournissent déjà 95 % de la production mondiale des batteries lithium et nickel et les américains, dont Johnson Control, les 5 % restants. Les industriels chinois, japonais ou coréens bénéficient de leur avance historique en matière d’équipements nomades. Les batteries lithium-ion équipent la totalité des consoles de jeux, des ordinateurs et des téléphones portables, 95 % des caméras numériques, 85 % des appareils photos, 80 % des baladeurs MP3… Fort de son avance industrielle, le chinois BYD, l’un des premiers fabricants mondiaux de batteries pour appareils électroniques se lance d’ailleurs dans l’automobile.
La France ou les États-Unis veulent répondre par le volontarisme politique. Le 5 août, Barack Obama a annoncé 2,4 milliards de dollars de crédits à la filière des véhicules électriques… dont 1,5 milliard pour les seules batteries. « Je veux que les voitures du futur et les technologies qui les propulsent soient développées aux Etats-Unis », a-t-il affirmé. Le premier bénéficiaire sera la société commune de Saft et de Johnson Controls, qui recevra 299 millions de dollars pour implanter une usine dans le Michigan. Premier fabricant mondial de batteries plomb pour voitures, Johnson Controls veut étendre son leadership au lithium-ion… Mieux, Saft recevra 95,5 millions de dollars supplémentaires pour fabriquer des batteries industrielles en Floride.
En France, le gouvernement promet 1,5 milliard d’euros de soutien public. Il accompagnera notamment le projet de Renault à Flins, mené en collaboration avec le CEA et AESC (co-entreprise entre Nissan et NEC). Et financera un centre de recherche à Grenoble. L’investissement total, réalisé à travers le Fonds stratégique d’investissement (FSI), atteindra 1,5 milliard d’euros, dont la moitié avant 2014.
Mais n’est-il pas trop tard ? En 2008, Sanyo, le leader mondial toutes technologies confondues, a investi 190 millions de dollars, Mitsubishi Heavy 100 millions, Sony 369 millions et Matsushita 950 millions. Des chiffres à donner le vertige, tout comme la succession d’alliances. Sanyo est en passe d’être racheté par Panasonic, Bosch et Samsung se sont alliées. Le français SVE (Dassault), après plusieurs revirements stratégiques, va finalement s’associer avec le coréen Dow Kokam.
Cette effervescence est motivée par l’explosion attendue du marché des accumulateurs
Cette année, la production mondiale d’accumulateurs, estimée à plus de 3,2 milliards, a stagné (+ 1 %), crise oblige. Mais cela fait suite à deux années de fièvre : + 13 % en 2008 et + 22 % en 2007. Et le marché devrait passer de 10 milliards d’euros aujourd’hui à 15 milliards d’ici à 2015, voire 27 milliards. Les investissements nécessaires s’élèveraient à quelque 30 milliards de dollars d’ici à 2020.
Sans surprise, les véhicules électriques et hybrides alimenteront largement cette croissance. L’électromobilité pourrait compter pour 40 % de la demande de batteries lithium-ion en 2018. Mais pas seulement. « Le prochain grand marché est celui du stockage des énergies renouvelables. Les accumulateurs devront avoir une durée de vie de vingt ans », relate John Searle, PDG de Saft.
L’issue de la bataille dépendra aussi des choix technologiques.
« L’intérêt du lithium-ion est qu’il peut être utilisé indifféremment quel que soit le domaine d’application », explique Florence Fusalba, la responsable du programme stockage de l’énergie au CEA (laboratoire Liten).
Depuis les premiers modèles Sony, datant de 1992, la densité énergétique est passée de 100 Wh/kg à plus de 200 Wh/kg. Celle-ci n’est que de 30 Wh/kg pour la vieille batterie plomb acide et 80 Wh/kg pour le nickel métal hydrure utilisé par le véhicule hybride Toyota Prius.
La technologie lithium-ion la plus répandue s’appuie sur une cathode en cobalt, efficace mais onéreuse et sujette à la surchauffe comme l’ont montré les explosions d’ordinateurs portables ou d’Iphone. D’autres concepts émergent. Le lithium-fer phosphate affiche une grande stabilité et une longue durée de vie, au détriment de la densité (90 à110 Wh/kg). Ou le remplacement du graphite de l’anode, l’emploi de titane ou d’étain pouvant réduire à trois minutes la recharge d’un équipement nomade.
Pour améliorer la sécurité, certains laboratoires développent des matériaux ternaires, associant le cobalt à d’autres métaux, manganèse ou aluminium. En France, le CEA et sa jeune spin-off Prolion, créée en 2009, sont en pointe.
Et pour l’avenir ? La technologie émergente lithium-air fait figure de Graal. Avec une densité énergétique supérieure à 2 000 Wh/kg, elle permettrait de rendre les voitures électriques aussi performantes que les meilleurs modèles thermiques. Celui qui en tiendra la clé sera alors le nouveau roi du pétrole.
Source : un article de Ludovic Dupin publié le 01 octobre 2009 sur le site Usine Nouvelle.