« La biomasse est la seule alternative renouvelable aux hydrocarbures pour produire des carburants liquides adaptés aux véhicules actuels. La seconde génération de biocarburants sera thermochimique ». C’est le credo du Commissariat à l’Energie Atomique français, qui a développé des moyens d’essais uniques en France.
Objectif : dégrader la plante entière pour produire des biocarburants de seconde génération, là où les biocarburants actuels n’utilisent qu’une partie de la plante (blé, soja, mas, canne à sucre…).
» Nous travaillons depuis plusieurs années sur la gazéification de la biomasse, explique Sylvie Rougé, chef de projet biomasse à la Direction de l’énergie nucléaire (Grenoble). La voie de valorisation – dite thermochimique – sans concurrencer la filière alimentaire, nous semble la plus robuste et accepte une grande variété de ressources : produits forestiers, plantes agricoles, cultures dédiées ou même déchets ménagers » .
A l’instar de la gazéification du charbon, exploitée depuis la Seconde Guerre mondiale pour produire du carburant à partir du charbon, celle de la biomasse consiste à chauffer la ressource à haute température. « Notre procédé de référence met en oeuvre un prétraitement thermique par pyrolyse ou torréfaction (entre 250 et 700°C), qui facilite le broyage ultérieur de la biomasse sous forme de poudre d’environ 200 microns, explique Sylvie Rougé. Cette poudre alimente ensuite un réacteur à flux entrané qui la transforme en moins de 2 secondes en gaz de synthèse (entre 1200 et 1400°C), un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène, à partir duquel on peut synthétiser le biocarburant par des procédés chimiques. »
Plus de 100 tonnes de biomasse par heure
L’intérêt de cette solution, à haute température, est de limiter la production de matières secondaires, tels que le méthane, les goudrons et hydrocarbures légers, qui nécessitent un traitement de purification, comme l' »étage haute température » développé dans la gazéification par lit fluidisé, l’autre technologie étudiée au CEA.
Des recherches sont aussi menées sur le site de Cadarache pour améliorer les rendements en apportant une énergie externe : une technologie innovante de gazéification mettant en œuvre un plasma (torche à plasma ou arc électrique). « A terme, nous visons des unités de production de 200 000 tonnes de carburants BtL (Biomass to Liquid) par an, soit plus de 100 tonnes de biomasse par heure en entrée, précise Sylvie Rougé. Pour l’instant, nos réacteurs pilotes traitent quelques kilogrammes par heure… Mais ils sont parmi les plus gros moyens d’étude dédiés à la voie thermochimique en France ».
Une plateforme de développement est en projet avec plusieurs partenaires de recherche et industriels : le débit de biomasse visé en entrée est de 500 kg à 1 tonne par heure (t/h). Par ailleurs, un pilote de démonstration de 10 t/h devrait voir le jour d’ici à 2010 à Bure-Saudron (Meuse et Haute-Marne) dans le cadre d’un programme d’accompagnement économique de la Région.
Source : un article paru en juin 2008 dans CEA Techno(s) no 89 et diffusé en ligne sur cette page du site de CEA Techno.