Face à la montée en flèche des prix du pétrole et au risque que fait peser sur la sécurité alimentaire la conversion de céréales en biocarburants, le Jatropha a été présenté comme une plante miracle : robuste, peu exigeante, résistante aux parasites et maladies, elle apparaissait capable de valoriser des sols dégradés, dans des conditions environnementales difficiles.
Les premières expériences au niveau local, confortées par des travaux récents d’instituts de recherche internationaux, invitent cependant à relativiser un tel enthousiasme. Ainsi :
- Une synthèse du CIRAD sur la production d’huile végétale en Amérique du Sud (‘Guide technique pour une utilisation énergétique des huiles végétales‘) souligne qu’il n’existe ‘que quelques recherches en cours d’élaboration sur de possibles investissements qui permettraient de développer une culture commerciale‘.
- Une étude réalisée par Plant Research International (université de Wageningen), intitulée ‘Claims and Facts on Jatropha‘, attire l’attention sur le fait qu’à ce jour aucun résultat de travaux scientifiques n’a validé la capacité du Jatropha à produire de hauts rendements d’huile dans un contexte de production à grande échelle.
- Enfin, une autre publication du CIRAD, intitulée ‘Ecobilans de biocarburants, revue des controverses et enjeux agronomiques mondiaux‘ montre que la contribution réelle d’une filière biocarburant aux objectifs de réduction de la dépendance des économies aux énergies fossiles et d’atténuation des émissions anthropiques de gaz à effet de serre dépend beaucoup des choix qui sont fait tant au niveau de la gestion des plantations que de la transformation des produits et sous-produits qui en sont extraits.
- Dans un article intitulé ‘Jatropha Oilseed Production : A Realistic Approach‘, J.N. Daniel conclut que la promotion de schémas de développement basés sur la production de biocarburant à partir de Jatropha ne peut réussir que si elle s’appuie sur des programmes dont les objectifs sont réalistes.
Les agro-industries internationales qui s’intéressent à ces nouvelles filières investissent d’énormes moyens pour maîtriser cette production selon des schémas qui resteront inaccessibles à de petits agriculteurs.
La compétition entre le développement de filières industrielles de production biodiesel et filières locales de production d’huile végétale pure est engagée à armes inégales. Néanmoins il reste indéniable que le développement de filières locales de production de biocarburant à partir de Jatropha constitue une opportunité unique pour les paysans des pays en développement : il leur permet de briser à la fois les dépendances économiques et énergétiques qui les maintiennent dans un état de pauvreté.
Malgré des ressources limitées, notre responsabilité est d’accompagner dans la capitalisation de leur expérience les paysans qui nous ont accordé leur confiance, de mobiliser les connaissances qui nous sont accessibles pour les aider à développer avec prudence leur propre système de gestion de plantations de Jatropha.
C’est dans cette perspective que le programme EESF, sur la base d’échange d’expérience avec d’autres porteurs de projets similaires en Afrique de l’Ouest, a élaboré pour le compte de la Fédération des Producteurs de Tabanani de Foundiougne un itinéraire technique pour l’établissement de nouvelles plantations au cours de l’hivernage 2009.